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Tamara Kozo, directrice de casting
Tout d’abord...Est-ce que tu peux nous expliquer concrètement d’où provient cette passion que tu nourris pour le cinéma? A quand remonte-t-elle du plus loin que tu puisses te souvenir?
J’ai découvert le cinéma assez tard, il y a une dizaine d’années. J’ai commencé à travailler dans le cinéma sans en avoir rêvé, sans même savoir que c’était possible et sans être vraiment cinéphile. Je m’y suis intéressée en voyant les films se faire de l’intérieur, en étant au cœur de la fabrication. Au fil des années, j’ai observé les réalisateurs, leur manière de diriger les acteurs, mais aussi les techniciens : assistants réalisateurs, accessoiristes, décorateurs, costumiers, maquilleurs, et un peu plus tard je me suis mise à observer aussi le chef-opérateur, le travail de la lumière et de la machinerie.
J’ai la sensation que tous ces moments passés sur les plateaux ont infusé en moi lentement mais surement, jusqu’au jour où j’ai eu à mon tour l’envie d’écrire et de réaliser. Je continue mon travail de casting mais entre chaque film, j’écris. C’est long, exigeant, mais passionnant.
Je suis producteur, je veux faire appel à tes services de directrice de casting...Comment cela se passe-t-il concrètement?
Tu prends ton téléphone et tu m’appelles ! (rire)
Concrètement, tu m’envoies le scénario, tu me parles du film, de ses spécificités et si je suis partante et disponible, on travaille ensemble.
Tu es réputée pour ton travail de casting effectué notamment pour «Au service de la France » (série, 2015), « Un Village Français » (série, saisons 3/4/5 2010-2014), « Le Bureau des Légendes » (série, saison 4 - 2018), « L’étudiante et M. Henri » (long-métrage d’I.Calberac) ou encore dernièrement les deux films de Grand Corps Malade et Mehdi Idir « Patients » (2017) et « La Vie scolaire » (2019) qui sort dans quelques jours, le 28 août. Pour toi, quelles sont les qualités indispensables d’un candidat pour passer l’épreuve du casting ?
Les acteurs qui réussissent leur casting sont ceux qui sont eux-mêmes. Ils servent le personnage avec ce qu’ils sont, sans chercher à prouver ni qu’ils sont bons acteurs, ni qu’ils ont compris ce qu’on attendait d’eux. Nous-mêmes, on a une idée de ce qu’on cherche, mais on continue à interroger le rôle et le personnage avec l’acteur.
On ne cherche pas des techniciens du jeu, on cherche à voir la part d’humanité que l’acteur peut apporter, plus ou moins consciemment, au personnage. C’est dans ces moments que nous avons les plus beaux coups de cœur.
Est-il déjà arrivé que des candidats craquent nerveusement lors des auditions ? Comment aborder ce problème ? Est-ce qu’il est déjà arrivé de «repêcher» des candidats ?
Ca peut arriver qu’un acteur craque ou perde ses moyens, ce n’est vraiment pas le plus courant et c’est généralement à cause du stress et de la pression que l’acteur se mets lui-même. Je suis de l’école de la bienveillance. Je suis là pour accompagner l’acteur et l’aider à donner le meilleur de lui-même, certainement pas pour le déstabiliser. Dans ces cas là, on prends le temps d’évacuer le stress et de se recentrer sur ce pour quoi on est là : jouer !
Au fil du temps, on voit les acteurs sur différents castings, pour différents rôles. Ce n’est pas parce qu’un acteur passe à côté de son casting une fois qu’il est à tout jamais banni des castings à venir. On travaille ensemble, sur le long terme.
Sur le net, difficile de trouver des références concernant ta filmographie alors que tu es aussi souvent présentée comme une actrice, peux-tu nous en dire plus sur cet aspect de ta carrière ?
Ahahah, non je ne peux pas. Tout simplement parce que je ne suis pas actrice, je ne l’ai pas été et je ne souhaite pas le devenir. Il m’est arrivé de faire une ou deux micro-interventions parce que ça dépannait le 1er assistant ou que le réalisateur me le demandait et que c’était hors-champs. Mon nom a été mis dans la case vide en face du nom du rôle, et internet l’a relayé. Mais ça ne fait pas de moi une actrice, loin de là !
Quels sont tes projets futurs en matière cinématographique ?
Je viens d’écrire et de réaliser un très court-métrage « 1 CONTRE 1 » pour le Festival Tapis bleu. Le film a remporté 3 prix : prix du jury, prix du public et prix de la meilleure interprétation masculine pour Hocine Mokando et Mahamadou Sangaré.
Il commence sa vie en festivals, j’espère que beaucoup de gens auront l’occasion de le voir.
J’ai écrit deux autres court-métrages que je souhaite réaliser prochainement, et je commence l’écriture d’un long-métrage, mais ça ce sera pour plus tard. Ca prends du temps, je ne souhaite pas griller des étapes. J’y vais marche après marche, mais j’y vais.
Que pourrais-tu nous dire sur «La vie scolaire» qui donnerait envie de le voir au cinéma ?
Il y a mille raisons d’aller voir ce film. Pour n’en citer que quelques-unes :
- Si vous avez aimé « Patients », vous allez adorer « La Vie Scolaire ». Ce n’est pas du tout le même sujet, ni le même univers, mais c’est le même ton. L’ambiance est à la vanne et à la punchline, le ton est léger sans éviter les émotions plus fortes, et le sujet est bien plus profond qu’il n’y paraît.
- Le film traite de thématiques sensibles sans être partisan et c’est sa force. On parvient à avoir de l’empathie autant pour ces jeunes de quartier drôles, attachants, insolents, égarés et parfois violents, que pour une équipe pédagogique concernée, motivée mais désabusée et impuissante face au système éducatif actuel. Le film nous permets de saisir les enjeux et les problématiques de chacun.
- Les acteurs sont bons, notamment des jeunes que vous allez découvrir puisque c’est leur 1er film.
- J’ai suivi l’équipe et les acteurs sur plusieurs avant-premières, l’accueil a été à chaque fois chaleureux et unanime. Au-delà de l’engagement affectif que je peux avoir pour ce film, c’est un bon film, c’est ceux qui l’ont vus qui le disent !
A titre personnel, c’est un de mes meilleurs souvenirs de tournage. J’y ai fait le casting de la figuration et de quelques petits rôles. Depuis, je garde un lien avec les gens que j’ai rencontrés au Franc-Moisin, la cité dans laquelle on a tourné. C’est d’ailleurs là que j’ai tourné « 1 CONTRE 1 », mon court-métrage.
Le milieu du cinéma vit-il toujours bien les critiques cinématographiques ? Quel est ton point de vue sur ces cinéphiles, même anonymes, qui peuvent avoir des opinions bien tranchés sur certains films ?
On ne peut pas plaire à tout le monde et si ton œuvre est publique, il faut accepter qu’elle soit critiquée dans un sens comme dans un autre. Malheureusement, il y a parmi les cinéphiles qui partagent leurs avis, leurs sensations ou leurs analyses des films, certaines personnes particulièrement virulentes qui ont trouvé ici un endroit pour déverser leur aigreur. A la lecture de ces commentaires, certains n’ont parfois même pas vu les films. Je le regrette car ils sont une minorité et ils discréditent les observations des autres cinéphiles.
Je vois ces pages de critiques comme un condensé d’énergies négatives et chronophages que je préfère laisser à ceux qui en sont les auteurs.
Quels sont les films dont tu raffoles ? Quels sont ceux qui t’ont marquée dernièrement et pourquoi ?
En comédie, « Mes meilleurs copains » ou « La chèvre » sont des films cultes dont je ne me lasse pas. J’ai beaucoup aimé « Long shot », une comédie très réussie sortie cette année. J’aime aussi l’excès de Tarantino, la sensibilité de Klapisch, notamment son « Peut-être » dont je raffole. J’aime aussi « Enter the Void » de Gaspard Noé, « Inception » de C. Nolan, « Get Out » de J. Peele, « Old boy » de P. Chan-Wook, « Le fils de l’homme » d’A. Cuaron, mais aussi « L’armée des ombres » de JP Melville, « Café de Flore » de JM Vallée , ou « Le premier jour du reste de ta vie » de R. Bezançon.
Ceux qui m’ont marquée dernièrement : Je suis fan de la série « The Handmaid’s Tale ». Elle réunit tout ce que j’aime : un concept fort, des enjeux puissants et des thématiques très actuelles. Par ailleurs, l’image et la mise en scène sont magnifiques, très esthétiques tout en servant le propos.
J’ai beaucoup aimé « When they see us ». C’est une série bouleversante et révoltante.
Au cinéma, mention spéciale pour « Parasite » de B. Joon-Ho : un thriller, de l’humour, un scénario hyper bien ficelé et surprenant, des acteurs excellents, une mise en scène où l’image parle d’elle-même, une lumière magnifique.
Cette interview est maintenant terminée, à mon grand regret. Aurais-tu quelque chose à ajouter ?
Juste Merci pour ton intérêt !
Bonne journée et bonnes séances de cinéma à venir !
Propos recueillis par Alexandre DUQUESNE.
Tous droits réservés.
Tags : casting, tournage, production
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